Conjoncture éco

mardi 13 octobre

Enquête de conjoncture Corse par la Banque de France


De la croissance à l'essoufflement 

La Corse, depuis la fin des années 90, a bénéficié d’un cycle favorable de croissance mais cette dernière se ralentit, depuis 2012, fortement.

Ce phénomène de rattrapage n’est pas spécifique à la Corse. Toutes les iles méditerranéennes ont connu une forte croissance depuis une vingtaine d’années grâce au tourisme mais aussi grâce à un développement interne et dans un contexte d’autonomie accrue.

Avec le développement démographique, le programme exceptionnel d’investissement et la bonne tenue du tourisme, jusqu’en 2010, la Corse a été en tête des régions françaises depuis 2004 pour le taux de croissance. De ce fait, la Corse a progressé dans le classement du PIB par habitant et a abandonné la dernière place pour se retrouver en milieu de classement.


un indéniable essoufflement

Si la Corse a connu une période de croissance de 2004 à 2012, celle-ci s’essouffle depuis deux ans. La Corse a été touchée par la crise de 2011/2012 plus fortement que par celle de 2008/2009 qui était plus financière et industrielle quand la seconde est plus globale et diffuse. La Corse n’a pas profité de la réorientation du tourisme au profit des pays occidentaux.

La Corse doit faire face à la réduction des crédits publics et à la réduction des dépenses touristiques de la part des ménages français. Aux problèmes conjoncturels, se sont ajoutés les problèmes de desserte de l’île avec la crise de la SNCM.

Le secteur du bâtiment et le secteur touristique, importants pourvoyeurs d’emploi ont été fortement impactés par le ralentissement du secteur immobilier. Il en résulte une forte augmentation du chômage, +11 % en un an et une augmentation des défaillances d’entreprises.

Le secteur du bâtiment fortement touché

En 2014, les mises en vente en chantier de logements neufs ont continué de baisser

(– 16 %). Le repli des ventes a été également forte (– 16 %), il concerne aussi bien les maisons que les appartements.

Le nombre de permis de construire accordés en Corse a baissé de 14 % en 2014. En 2013, le recul avait été de 30 %.

LES TRANSPORTS, LE MAILLON FAIBLE

En Corse en 2014, les trafics aériens et maritimes (hors croisières) ont acheminé 7,4 millions de passagers.

Ce résultat, stable pour la 3ème année consécutive, s'explique par la progression toujours soutenue du trafic aérien, porté par l'essor des Low Cost tandis que les lignes régulières maritimes accusent un nouveau recul, amplifié par deux grèves (9 jours en janvier et 16 jours en juin-juillet) ayant affecté l'activité de la SNCM.

Pour la première fois, sur l'année 2014, les trafics aériens français dépassent les maritimes français. Le recours à l’aérien s’accroît du fait de l’offre des Low Cost mais aussi du fait du changement de comportement des touristes. Ces derniers prennent des vacances plus courtes et donc recourent davantage à l’avion et à la location de voiture qu’aux transports maritimes. La croissance du tourisme international devrait accroître cette tendance.

DES ENTREPRISES FRAGILISEES

Depuis 2012, de nombreux secteurs sont, en Corse, confrontés à des difficultés croissantes. Le bâtiment mais aussi le secteur du tourisme et l’agriculture souffrent.

LE TOURISME, UN ATOUT ENRAYE
Un état des lieux contrasté

Le tourisme s’est fortement développé durant les années 2000 mais semble avoir atteint un palier en raison des goulots d’étranglement liés aux transports durant l’été, d’un pouvoir d’achat en berne en Europe et du développement de formes alternatives de tourisme (locations saisonnières, airbnb…).

La Corse ne bénéficie pas du recentrage du tourisme sur des régions jugées sûres. Bien au contraire, la Corse doit faire face à une stagnation voire à un recul des nuitées. Cette évolution défavorable est en partie imputable aux problèmes de desserte maritime de l’ile. Il est également probable qu’au regard du budget nécessaire pour séjourner en Corse, le potentiel de touristes d’origine française ait atteint ses limites

En effet, après deux années de progression en 2012 et 2013, la fréquentation des hôtels et des campings connaît en 2014 un retournement de tendance. Le nombre de nuitées passées dans ces hébergements s'est établi à 6,8 millions, en baisse de 7,6 % sur un an.

La désaffection de la clientèle française pèse fortement sur cette évolution, avec un recul de fréquentation de 10,3 % contre - 1,9 % pour les touristes étrangers. En France métropolitaine, les nuitées globales des hôtels et des campings ont diminué de manière moins marquée de 0,9 %.

Les camping ont connu une mauvaise saison 2014 mais restent sur une ligne de crête élevée

Les campings sont les plus concernés par ce recul de fréquentation, avec une baisse de 9,1 % des nuitées sur un an. Ce recul fait suite à une année 2013 très favorable, la fréquentation des campings en 2014 étant supérieure à celle de 2012.

La baisse de 2014 est principalement imputable à la clientèle française qui enregistre un recul de 12,8 % contre une baisse modérée de 2,7 % pour la clientèle étrangère. Si les Italiens et les Suisses sont venus moins nombreux, la clientèle allemande est en progression. Ce sont les campings classés 3 étoiles et plus qui résistent le mieux à la baisse de fréquentation. Il en est de même pour les emplacements équipés, au détriment des emplacements nus qui enregistrent la plus forte baisse de fréquentation avec un recul de 12,5 % de leurs nuitées.

En 2014, les hôtels ont aussi enregistré une baisse sensible de leur fréquentation avec une diminution de 5,4 % des nuitées sur un an. Ce recul fait suite à 3 années consécutives de baisse plus limitée. Entre 2010 et 2014, il s'établit à -7,3 %. La désaffection touristique hôtelière est fortement imputable à la clientèle française dont le nombre de nuitées recule de 7,3 % sur un an tandis que la fréquentation étrangère est stable.

Dans l'hôtellerie, l'offre a également tendance à se tourner vers le haut de gamme. En 4 ans, le nombre de chambres a le plus augmenté dans les hôtels classés 4 et 5 étoiles. Cette montée en gamme s'est accélérée entre 2013 et 2014. Elle est le résultat de transformation d'hôtels de 3 à 4 étoiles mais aussi de créations.

En 2014, les établissements classés 4 étoiles et plus sont d'ailleurs les seuls à avoir bénéficié d'une hausse de la fréquentation. Celle-ci s'expliquant uniquement par l'augmentation du parc.

Le recul le plus important est à mettre à l'actif des établissements non classés et des 1 et 2 étoiles.

Les établissements 3 étoiles qui regroupent la moitié des nuitées ont accusé une baisse plus modérée.

Les locations saisonnières et l’hébergement familial ont le vent en poupe

Avec le développement des sites Internet de locations de résidence, la location saisonnière poursuit sa croissance. Le parc des résidences secondaires de l'île, d'environ 80 000 logements. Sur la base de 5 lits par résidence secondaire, la capacité d'accueil journalière de ce parc s'établit à 400 000 personnes par an. Il concentre ainsi près des trois quarts de l'offre d'hébergement en lits touristiques que ce soit pour des hébergements d'amis ou de membres de la famille ou bien de locations saisonnières indépendantes.

Les croisières
Le tourisme de croisière qui connaît depuis quinze ans une forte croissance enregistre d’importantes variations d’une année sur l’autre. En 2014, 760 000 croisiéristes ont été enregistrés, soit une progression de 10,4 % sur un an. Néanmoins, nous sommes loin du niveau historique de 2011 avec un million de croisiéristes.

 DES PROBLEMES SOCIAUX MAJEURS ET MAL TRAITES

La situation de l’emploi se dégrade

Le nombre de demandeurs d’emploi est passé de 2010 à mai 2015 de 11 500 à 18 329 soit une augmentation en 5 ans de 59 %. Au niveau national, la progression a été de 31,5 % sur la même période.
Sur un an, le chômage a augmenté de près de 11 % ce qui constitue de loin un record au sein des régions de la France métropolitaine où la hausse a été de 5 %.

Si avant 2010, la Corse avait un taux de chômage inférieur à la moyenne nationale, 8,6 % contre 9 %, ce n’est plus le cas maintenant. Il a atteint 10,3 % au troisième trimestre 2014 (moyenne nationale 10,1 %)

Cette progression du chômage est imputable à la forte baisse de l’activité du bâtiment et à la moindre croissance du tourisme.

 La Corse, les inégalités sociales toujours fortes

Le taux de pauvreté est de 19 % en Corse contre 14 % en France. La pauvreté touche de manière plus forte que sur le continent les personnes âgées 17 % contre 9 % et les actifs (18 contre 12 %). Les femmes et les hommes célibataires (respectivement 25 et 23 % sont également les plus touchés en Corse)
Les salaires surtout hors fonction publique sont inférieurs en Corse par rapport au reste de la France ce qui contraint la consommation et rend encore plus compliqué l’accès au logement.

Cet écart s'explique moins par le taux de salaire horaire que par la durée du travail. En effet, en Corse, l'importance de l'emploi saisonnier, joue défavorablement sur le montant du revenu annuel.
L’accès difficile aux logements pour les Corses

54 % des Corses sont propriétaires de leur résidence principale contre plus de 57 % en moyenne nationale. La Corse est la 3ème région métropolitaine ayant la part de propriétaires la plus faible derrière l’Île-de-France et PACA.

De nombreux jeunes actifs sont contraints de demeurer chez leurs parents ou ne peuvent pas se loger près de leur travail. Le problème se pose au sein des deux grandes agglomérations que sont Ajaccio et Bastia.

Depuis quinze ans, des progrès ont été réalisés pour adapter le parc de logements à l’évolution de la démographie mais cela demeure insuffisant. La croissance du nombre de logements place la Corse en tête en France devant le Languedoc-Roussillon et Midi-Pyrénées. Au niveau des départements, la Haute-Corse se positionne comme le 2ème département ayant la plus forte croissance de logements juste derrière les Landes. La Corse-du-Sud se classe au 8ème rang. Depuis 1999, la Corse compte, en effet, 45 000 logements de plus soit une hausse de 25 %.


L’habitat avec l’urbanisation se collectivise surtout au sein des deux grandes agglomérations. Contrairement à certaines idées reçues, l’accroissement concerne aussi bien les résidences principales, en parallèle à la croissance démographique très soutenue, que les résidences secondaires. Dans la région, la progression concerne aussi bien les résidences principales (+ 28 600, soit + 27 %) que les résidences secondaires (+ 19 300, soit + 33 %). Le parc des logements insulaires s’est modifié entre 1999 et 2011. En effet, la part des appartements a sensiblement augmenté et, aujourd’hui, on compte presque autant d’appartements que de maisons. Ce constat s’accentue pour les résidences principales puisqu’en 2011, les appartements devancent les maisons dans la région, avec 54 % des logements. En France, les maisons prédominent, surtout en province, avec 61 % des logements (l’Île-de-France étant atypique avec seulement 26 % de maisons).

Certes, la Corse possède la part des résidences secondaires la plus élevée, avec 36 % des logements contre 10 % au niveau national. Au niveau départemental, La Corse-du-Sud se place au 2ème rang (36,5 %) derrière les Hautes-Alpes et la Haute-Corse au 4ème rang (34 %) derrière la Savoie. La part relative des résidences secondaires diminuent à Ajaccio et Bastia du fait de la croissance démographique de ces deux villes et enregistrent, en revanche, une forte augmentation dans l’Extrême-Sud et en Balagne.



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